• On the rail again ... 

      

    J8. 15 Septembre, 3ème jour dans le Transsibérien  Aujourd'hui, je me lève à ... 15h ! Bon, heure de Moscou il est 13h et finalement entre le moment où je me réveille et celui où je me lève y a une bonne heure, - ben oui, vu le temps que je mets à émerger (1 à 2h en temps normal, et j'interdis à quiconque de remettre en cause cette estimation), je préfère rester dans mon lit à écouter ma musique en faisant à moitié semblant de dormir, ça m'évite une sociabilisation matinale trop violente  - donc je me suis en fait réveillée à 12h, ce qui est normal comme heure ... D'autant plus qu'hier soir, après mon film, je me suis levée vers 4h (2h heure de Moscou) pour aller aux toilettes et quand je suis ressortie, y avait, je vous le donne en mille : Natacha devant moi à m'expliquer, je suppose, qu'elle n'arrivait pas non plus à dormir ... Du coup, ça m'a fait émerger et impossible de me rendormir tout de suite, j'ai écouté de la musique jusqu'à pas d'heure ... 


    Quand je sors la tête du lit ça loupe pas, Natacha est là, morte de rire de voir ma "tête du matin" à cette heure et puis y a ses copines de thé qui s'étonnent que je me réveille si tard. Comme d'hab', elles me parlent en russe et je souris ... Mes colocs ont changés aussi. Une jeune russe est montée il y a quelques heures et descend à la prochaine gare, à Omsk et un gars, Alec, qui lui descend à Chita comme Natacha.


    Le train sans heure

    Le transsibérien partant de Moscou, l'heure officielle dans le train est celle de la capitale. Au fur et à mesure que l'on s'éloigne de ce fuseau horaire pour s'enfoncer dans le centre de la Russie, l'heure change, mais pour des raisons pratiques évidentes, tous les trains sont à l'heure de Moscou tout le long du trajet et ce jusqu'à la frontiere mongole. Du coup, ça donne des trucs bizarres comme 0h écrit en gros dans une ville où il fait jour, des trains qui partent des gares à 3h du mat', des françaises qui se réveille à 15h ...

    Par contre, tous les soirs dans le train, les lumières s'éteignent à 22h heure locale. Et puis les gens qui rentrent sont à l'heure locale alors que ceux qui sont dans le train sont encore à l'heure de Moscou, du coup, les gens mangent et dorment à des heures complètement décalées. Natacha est encore à l'heure de Kiev visiblement. Et puis si on demande l'heure à quelqu'un, on peut te répondre 14h comme 19h, donc ça sert a rien ... 

    Dans ce train où l'on passe plusieurs jours et nuits, où l'on mange, dort, lit, discute; seules comptent finalement les villes, étapes de ce long voyage. Car ce sont les gares qui défilent, pas les heures. Une vie sans rythme, si ce n est celui qu'on veut bien lui donner ... Etre bientôt arriver ne veut plus trop rien dire ici. La vie est comme suspendue, où plutôt c est le temps qui n'existe pas, en laissant sa place à des moments de vie.

    Je suis montée dans ce train à 28 ans, un jeudi 13 septembre à 13h. J'en suis ressortie à 29 ans, à 4, 6 ou peut-être 9h, après avoir vécu plus de 4 jours et au moins 40 beaux moments...

     


     

                                               J8. 15 Septembre, 3ème jour dans le Transsibérien                                                                      J8. 15 Septembre, 3ème jour dans le Transsibérien 

    Toujours des forêts et plaines, aujourd'hui il fait gris mais le soleil n'est jamais loin...(sauf quand je prend des photos, évidemment...)


                                                                        J8. 15 Septembre, 3ème jour dans le Transsibérien                                            J8. 15 Septembre, 3ème jour dans le Transsibérien

                                                        Les gares aussi s'enchaînent, mais ne se ressemblent pas. Ici, Novossibirsk et Tomsk



    Vers 16h, notre train s'arrête, on est à Omsk. Je rejoins Elodie et Bruno pour leur dire bonjour. Sur le quai, on entend un "oh, des francophones, trop bien !" , il s'appelle Tim, c'est un savoyard en vadrouille (et oui, le monde est petit !) qui attend son visa pour aller au Kazakhstan, du coup cette semaine, il va à Irkoutsk. 

    Je reste un moment avec les francophones, c'est sympa, de leur côté ils ont des gens qui parlent un peu anglais, notamment un afghan, très interressant. Et puis Tim a un dictionnaire franco/russe et ça c'est cool parce que Natacha essaie toujours de me faire comprendre des trucs impossible ! Quand je retourne à ma place, il y a un nouveau coloc à la place de la fille. Le dictionnaire de Tim nous permet enfin de communiquer. Natacha me montre direct le mot "héros" , et puis me demande mon âge. Je me permet de lui demander le sien. Elle a 73ans, c'est dingue quand on voit la pêche qu'elle a, à monter et descendre tout le temps ! En plus, j'apprend qu'elle vient de Kiev où elle a été voir de la famille.  En tout, elle doit faire 10 jours de train, respect. Alec prend part à la discussion. Lui, il comprend pas pourquoi je voyage, c'est pas dans leur culture. Il croit que Natacha déconne quand elle lui dit ce que je fais mais je confirme via le dico... Il me montre vingt fois le mot "pourquoi", j'ai beau lui montrer "découverte", "paysage", etc ... rien n'y fait, il me regarde comme si j'étais complètement barrée... 

    Toujours grâce au dico, on parle de nos boulots respectifs, une fois de plus j'ai affaire à un conducteur (Lydia conduisait des bus), de pelleteuse je crois. Le nouveau, Andreï, nous raconte sa vie mais c'est pas quelqu'un d'intéressant, il dit beaucoup de conneries, c'est un espèce de jeune kéké qui parle qu'argent et soirées... super. En plus, au bout d'une heure il s'engueule avec Natacha (qui a certes un sale caractère et une grande gueule mais qui est très gentille et âgée) et plus tard Alec me montre sur le dico le mot "brigand" et "méfiance" , donc lui, je l'aime pas. C'est pas grave, il descend bientôt. D'ailleurs quand il descend, le soir, il nous demande si on descend sur le quai (chose que l'on fait d'habitude systématiquement histoire de se dégourdir les jambes) en nous faisant comprendre qu'il veut nous dire au revoir, on lui dit non et on le zappe rapidement.


    Parole d'Afghan

    grâce à Elodie et Bruno, j'ai pu rencontrer A. un jeune Afghan qui s'est réfugié avec sa famille au Turkménistan. Comme son père le souhaite, il fait des études de médecine ... en Russie. Là, il va donc entamer sa deuxième année à Irkoutsk à des milliers de km de chez lui. Une fois de plus, il arrive après la rentrée et va devoir tout rattraper. Déjà l'année dernière, il est arrivé trop tard après un voyage de plusieurs jours, pour s'entendre dire que comme il ne parlait pas le russe, ça servait à rien de venir... finalement, il a insisté, promettant d'apprendre très vite. En plus de rattraper les cours de médecine (facile, n'est-ce pas ?!?), il a donc appris le russe, facile aussi. 


    C'est super intéressant de l'écouter parler, avec son point de vue d'Afghan sur l'occupation américaine, la guerre ... Pour nous occidentaux, l'Afghanistan est symbole de terrorisme, d'insécurité, de talibans ... pour lui, la guerre, c'est quelque chose de normal. C'est comme s'il avait toujours vécu ça. La présence de l'armée américaine est évidement mal vue là bas. Sous couvert de protéger les afghans et de rétablir une démocratie, c'est une véritable occupation de l'armée qui met finalement toute son énergie et ses moyens à se protéger elle même. "Il n'y a pas plus sécurisée et protégée que l'ambassade américaine chez nous, c'est visible, on reconnaît de loin le bâtiment tout barricadé. Nos institutions, elles, n'ont pas droit à tout ça". "Avant, il n'y avait pas non plus tant de drogue chez nous, maintenant, c'est devenu une plaque tournante ... " . Il nous parle de la patience et de l'usure des afghans à attendre que son pays soit libéré. Aucun extrémisme, ni même d'intolérance dans son discours. Il constate, plutôt objectivement, admettant aussi l'usure des soldats américains.


    L'Afghanistan n'a pas une histoire facile, ne parvient pas à se stabiliser, et des minorités fanatiques continuent de mettre le bazar là-dedans, mais la démocratie viendra-t-elle par une occupation armée ? L'usure des soldats américains à mener une mission fantoche et celle des afghans face à la violence subit de tous les côtés peut-elle amener du bon ? Bien des questions se posent, mais ce qui est sur c'est que malgrès une vie pareille, il y a des "gamins afghans" (A. a 22ans) qui continuent de faire des études, de s'instruire, de voyager et de s'ouvrir au monde extérieur, sans haine ni violence et avec pas mal de courage ... 


    J8. 15 Septembre, 3ème jour dans le TranssibérienLa journée s'achève vite (normal, elle a commencé à 15h!). A la place d'Andreï, une famille débarque (une dame, un monsieur et deux autres, sûrement des frères et soeurs), il n'y a plus qu'une place pour la dame, les autres vont dans un autre wagon. La dame reste avec nous mais pas toute seule, avec elle, il y a ... un chat ! Un tout petit bébé chat, trop mignon ! Je peux pas m'empêcher de jouer avec. Il s appelle Smecta (bon d accord, il a pas un nom de médicament pour problème digestif - pour rester polie - mais à prononcer ça ressemble vraiment à ça!) et c'est un chat de race. Il a moins d'un an. Une fois de plus, Natacha a trouvé une copine à qui parler et a invité des gens pour le thé... Je passe la soirée avec Elodie, Bruno et Tim. A 2h, j'ai accès à mon lit et au sommeil, cooool ! Je m'endors en regardant la tête du petit chat dépasser du "sac" où il dort, trop miiiiiignon ! 

     

     

     

                                                      J8. 15 Septembre, 3ème jour dans le Transsibérien

     

     

     

    La rencontre du jour : Tim, un petit jeune savoyard de La Plagne qui a déjà pas mal vadrouillé, hors des sentiers battus et bien souvent en stop.

    La chanson du jour :    




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